En 2024, la croissance chinoise a officiellement atteint l’objectif de 5 % fixé par le gouvernement, objectif qui semblait pourtant ambitieux il y a six mois, lorsque nous avions prévu une croissance de 4,7 %1 (tableau 19.1). La croissance trimestrielle du PIB avait baissé de 1,5 % au premier trimestre à 0,6 % au deuxième et les indicateurs conjoncturels suggéraient un ralentissement de la demande intérieure. Les ventes de détail étaient en hausse de 2,7 % seulement sur un an en valeur en août 2024, contre 4,6 % un an plus tôt, l’inflation demeurant proche de 0 ; les investissements (hors secteur immobilier) avaient augmenté de 3,4 % en valeur sur les huit premiers mois de 2024 par rapport huit premiers mois de 2023, à peine plus que sur la même période un an plus tôt ; la baisse des investissements des promoteurs immobiliers se poursuivait à un rythme annuel de l’ordre de 10 % (en valeur). Cela avait conduit le gouvernement et la Banque centrale à annoncer à l’automne 2024 des mesures de soutien à l’activité, qui était alors principalement tirée par les exportations, tandis que les importations ralentissaient. Selon les comptes nationaux, la croissance du PIB a accéléré à 1,5 % dès le troisième trimestre et a été de 1,6 % au quatrième. Au total, la contribution des exportations nettes à la croissance du PIB a été de 1,5 point en 2024, après avoir été négative de 0,6 point en 2023, tandis que la contribution de la consommation ralentissait de 4,6 à 2,2 et celle de l’investissement restait pratiquement stable, de 1,4 à 1,3.
1 Voir : Chine : Eviter les zones de turbulence, in Perspectives de l’économie mondiale 2024-2025, Revue de l’OFCE 187, 2024.
Selon les données du World Trade Monitor du CPB, les seules exportations chinoises de marchandises ont augmenté de 16 % en volume sur un an en décembre 2024 (13 % un an plus tôt), tandis que les importations affichaient une hausse inférieure à 2 % (6 % un an plus tôt). Les exportateurs chinois de marchandises, grâce par une demande porteuse (en particulier de véhicules électriques) et une compétitivité-prix favorable ont gagné 13 points de parts de marché en 2024. Ce fort dynamisme des exportations, qui était aussi en partie tiré à la fin de 2024 par la hausse des importations des Etats-Unis, par anticipation de hausse des droits de douane en 2025, risque cependant d’être freiné par la mise en place effective de ces hausses (encadré 19.1).
- Bouët Antoine, Leysa Maty Sall &Yu Zheng, 2025 : « Towards a Trade War in 2025: Real Threats for the World Economy, False Promises for the US », CEPII Working Paper, No 2025-03.
- OCDE, 2025 : Perspectives économiques, mars. York Erica, Durante Alex (2025) : « Trump Tariffs: Tracking the Economic Impact of the Trump Trade War », Tax foundation, mars.
2 Réunion annuelle rassemblant les représentants du Parlement et d’une Assemblée consultative.
Dans un environnement international de plus en plus incertain et face au risque d’un ralentissement des exportations à court terme du fait de la montée des tensions commerciales, le gouvernement chinois a néanmoins fixé à nouveau un objectif de croissance de 5 % pour 2025, lors de l’ouverture début mars du congrès annuel des « deux sessions »2. Il a annoncé souhaiter fortement stimuler la consommation et la demande intérieure. Ce plan, non détaillé à ce jour, comprendrait notamment une revalorisation du salaire minimum, une hausse des dépenses d’éducation et la mise en place de subventions pour la garde d’enfants.
Alors que la production industrielle a légèrement ralenti à 5,9 % sur un an en février, (contre 6,2 % en décembre, 7 % en février 2024), le gouvernement souhaite faire accélérer la consommation des ménages. Les ventes de détail étaient en hausse de 4 % sur un an en valeur en février 2025 (contre 3,5 % un an plus tôt), alors que l’indice des prix à la consommation affichait un recul de 0,7 % sur un an en février. La baisse des prix est surtout prononcée pour les produits alimentaires (- 3,3 % sur un an), mais les prix des autres produits sont en légère baisse (- 0,1 %). Le taux de chômage urbain aurait légèrement augmenté en début d’année, de 0,2 point entre janvier et février, ce qui est habituel en début d’année (lors des congés du Nouvel an), pour atteindre 5,4 %, soit un niveau similaire au taux de chômage du début 2019. au m Enfin, en 2024, les ménages ont maintenu leur taux d’épargne inchangé par rapport à 2023 à 31,7 %, soit au-dessus du niveau d’avant crise (30 %).
Le gouvernement remet donc à l’ordre du jour l’objectif de rééquilibrage de la croissance chinoise en faveur de la demande intérieure, qu’il avait mis en retrait depuis le début de la crise immobilière, tout en poursuivant la stratégie de montée en gamme de la Chine dans des secteurs de haute technologie, dont l’intelligence artificielle. Par ailleurs, il met en place des mesures pour accroître le tourisme étranger (suppression des visas de tourisme de moins de 30 jours les voyageurs de 38 pays d’Asie et d’Europe, dont la France) et au développement du tourisme de neige.
Selon le FMI (Fiscal Monitor, octobre 2024), la politique budgétaire aurait eu une impulsion de 0,6 point de PIB en 2024 et resterait légèrement expansionniste cette année et l’an prochain (de 0,2 point par an). Sous les hypothèses de croissance du FMI (4,8 % en 2024, 4,5 % en 2025 et 4,1 % en 2026), le déficit public, qui avait atteint 7,4 % du PIB en 2024, se creuserait légèrement à 7,6 % du PIB en 2025 et 7,7 % du PIB en 2026 ; la dette publique rapportée au PIB augmenterait de 8 points entre 2024 et 2026, où elle atteindrait 97 % du PIB. Sous nos hypothèses de croissance, le déficit se creuserait un peu moins que prévu par le FMI du fait de la plus forte croissance, mais cela serait effacé par un soutien budgétaire plus important. A ce jour, le gouvernement n’a pas communiqué de chiffres sur l’ampleur de ce soutien budgétaire, qui sera vraisemblablement adapté en fonction de l’évolution des exportations. Nous supposons que le gouvernement évitera cependant de trop creuser le déficit public, alors que la dette publique a augmenté de 40 points de PIB depuis le début de la crise COVID. La question de l’assainissement du secteur immobilier est reléguée à l’arrière-plan, mais l’ajustement n’est pas achevé.
Ainsi, la croissance serait de 4,8 % cette année, proche de l’objectif du gouvernement et de 4,5 % l’an prochain (tableau). La contribution du commerce extérieur à la croissance s’atténuerait, mais resterait positive ; la contribution de la consommation et de l’investissement se renforceraient, passant respectivement de 2 à 2,4 points de PIB, et de 1,5 à 1,7 points. L’inflation resterait faible en Chine dans ce scénario où la demande ne serait qu’en léger ralentissement, en l’absence d’une escalade de la guerre commerciale avec les Etats-Unis.
2022 | 2023 | 2024 | 2025 | 2026 | |
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Évolutions | |||||
PIB | 3.1 | 5.4 | 5.0 | 4.8 | 4.5 |
Consommation | 2.7 | 8.5 | 4.0 | 3.6 | 4.3 |
Investissement | 2.8 | 3.3 | 3.1 | 3.8 | 4.3 |
Exportations | 3.1 | 2.3 | 10.0 | 7.8 | 4.6 |
Importations | 1.0 | 6.4 | 2.7 | 2.0 | 3.4 |
Contributions | |||||
Consommation | 1.5 | 4.6 | 2.2 | 2.0 | 2.4 |
Investissement | 1.1 | 1.4 | 1.3 | 1.5 | 1.7 |
Exportations nettes | 0.4 | −0.6 | 1.5 | 1.2 | 0.4 |
Exportations | 0.6 | 0.5 | 1.9 | 1.6 | 1.0 |
Importations | 0.2 | 1.0 | 0.4 | 0.3 | 0.5 |
Note : estimations pour les exportations et importations. | |||||
Sources : National Bureau of Statistics of China, Prévisions OFCE |